Le printemps pointe le bout de son nez et les monts flandriens fleurissent dans la bouche des connaisseurs comme les bourgeons sur les arbres. Pas de doute, le deuxième « Monument du cyclisme » approche. Cette année, le Ronde renoue avec un parcours un peu plus classique et comme toujours rempli d’histoire. Une histoire que les Boonen, Cancellara et autres Sagan et Devolder voudront marquer de leur sceau dimanche.
Andrea Tafi disait, à propos du Tour des Flandres, qu’ « il n’y a que ceux qui sont au top de leur condition qui peuvent dire que cette course n’est pas difficile. Pour tous les autres, c’est un vrai chemin de croix. » Cette phrase résume bien le caractère de cette course tant désirée. Elle est dure mais juste, ne pardonne rien aux coureurs mais couronne de véritables forçats de la route. Le premier à avoir remporté cette course créée en 1913 par Karel Van Wijnendaele, cofondateur du journal sportif SportWereld, est un belge : Paul Deman. Même si le Tour des Flandres, qui ne s’arrêtera que durant la première guerre mondiale, s’ouvrira progressivement aux étrangers dans les années 1920-1930 avec notamment la victoire du Suisse Henry Suter en 1923, il faudra attendre 1949 et Florenzo Magni pour mettre fin à l’hégémonie belge. L’Italien réalisera un triplé. Le seul. Quatre Belges auront également l’occasion de lever les bras trois fois sur la Ronde sans jamais, toutefois, le faire trois fois de suite : Achiel Buysse, Eric Leman, Johan Museeuw et Tom Boonen. Le Tour des Flandres ne se laisse donc que très rarement dompté. Eddy Merckx ne l’a remporté « que » deux fois (1969 et 1975), tout comme Peter Van Petegem (1999 et 2003), tandis que la terreur de Paris-Roubaix, Roger De Vlaeminck, n’a laissé son empreinte qu’une seule fois, en 1977. Et si les Belges comptabilisent 68 victoires, cela n’a pas empêché certains grands noms du cyclisme de venir s’imposer sur les monts flandriens. Les pionniers Louison Bobet et Tom Simpson ont ainsi ouvert le chemin aux plus contemporains Gianni Bugno, Andreï Tchmil, Michele Bartoli, Gianluca Bortolami, Andrea Tafi et autre Fabian Cancellara, double vainqueur de l’épreuve.
Si ces grands noms ont réussi à venir s’imposer sur le Ronde, c’est peut-être avant tout grâce à son parcours, ses monts aux pourcentages sévères et ses pavés parsemés dans la campagne flandrienne. De 1975 à 2011, le Mur de Grammont et le Bosberg étaient les traditionnels juges de paix du Tour des Flandres. Depuis 2012, ces deux difficultés ont disparu au profit du Vieux Quaremont et du Paterberg, déjà présents auparavant mais désormais empruntés à plusieurs reprises avec deux petites boucles finales. L’arrivée, jusqu’alors située à Meerbeke, a également été déplacée à Audenarde. Ces changements ne furent pas du goût de tout le monde et pour cette 98ème édition, les organisateurs ont, semble t-il, entendu les doléances des médias et des coureurs. Cette année, si le Tour des Flandres rejoint toujours Bruges à Audenarde, il offre un parcours plus classique avec une longue boucle de 114 km et une petite de 50 km comprenant les six dernières côtes de la journée. Au total, 14 monts seront franchis dont le Vieux Quaremont (escaladé trois fois en 140 km) et le Paterberg (escaladé deux fois en 40 km). Même si le final apparaît encore difficile avec notamment le Koppenberg à 45 km de l’arrivée, ce tracé doit permettre une course de mouvement plus favorable aux outsiders, obligeant certainement les favoris à se dévoiler avant les deux dernières difficultés comme l’avait fait Fabian Cancellara l’an dernier. Le Suisse avait mis le feu dans le Vieux Quaremont avant de dégoupiller Peter Sagan de sa roue dans le Paterberg pour s’en aller remporter, en solitaire, sa deuxième ronde.
Dimanche, on retrouvera logiquement ces deux protagonistes parmi les favoris. Le prodige Slovène, récent vainqueur du GP E3 et presque malgré lui d’une étape de La Panne, chasse toujours sa première grande classique et rêve tout haut d’une victoire sur le Tour des Flandres, tandis que Spartacus va tenter de rejoindre le club très fermé des triples vainqueurs de la Ronde. Au vu de sa remontée fantastique au GP E3, il en a les moyens. Vainqueur de Kuurne-Bruxelles-Kuurne, Tom Boonen figure déjà dans ce cercle et rêve, quant à lui, de marquer une nouvelle fois l’histoire, en devenant le premier coureur à remporter quatre fois ce monument du cyclisme. Son équipe fait, en tout cas, office d’épouvantail puisqu’on retrouve dans ses rangs le flamboyant Terpstra, vainqueur de A travers les Flandres, et la valeur sûre Stybar. Dans sa quête du graal, le Belge, victime d’une chute en 2013, devra cependant se méfier de ses anciens coéquipiers, à commencer par l’autre danger de l’équipe de Cancellara, aussi double vainqueur de l’épreuve : le Belge Stijn Devolder. Parti cette année d’OPQS pour IAM, où il est co-leader avec Heinrich Haussler (6e en 2013), le Français Sylvain Chavanel représente également une menace sur cette classique qu’il affectionne par-dessus tout (2e en 2011 derrière Nick Nuyens). Et même si cette course ne réussit que très peu aux tricolores (trois succès au total, le dernier étant Jacky Durand en 1992), on peut également avancer les noms de Tony Gallopin, d’Arnaud Demare et dans une moindre mesure de Mathieu Ladagnous et de Sébastien Turgot (respectivement 5e et 8e l’année dernière) parmi les outsiders. On peut également citer dans cette liste, les Italiens Luca Paolini et Filippo Pozzato, les Norvégiens Edvald Boasson Hagen et Alexander Kristoff (4e en 2013 et récent vainqueur de Milan-San Remo), les Belges Jürgen Roelandts (grand animateur de l’année dernière et finalement 3e), Sep Vanmarcke, et Greg Van Avermaet, l’Allemand John Degenkolb ainsi que le Britannique Geraint Thomas.
Les monts flandriens ne laissant rien au hasard, il y a fort à parier que l’on retrouvera ces noms à l’avant dimanche. On attend une bagarre épique entre Boonen et Cancellara, qui collectionnent les victoires sur les grandes classiques pavées depuis maintenant dix ans (5/10 au Ronde, 6/10 à Paris-Roubaix), mais également Sagan. Les dernières montées du Vieux Quaremont et du Patenberg seront certainement dantesques. Le spectateur sera alors entre monts et merveilles.
Crédit photos : Page Facebook officielle du Tour des Flandres (Ronde van Vlaanderen)
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