Interviews Roller hockey

Yann Maillet : “Les juniors étaient tellement sûrs d’eux…”

Rappelez-vous, nous l’avions interrogé avant le Mondial de roller hockey à Toulouse. Depuis, les juniors sont devenus champions du monde à domicile. Yann Maillet était aux commentaires ce soir-là. Pour Culture Sport, il revient aujourd’hui sur ces championnats du monde en décortiquant aussi les performances des filles et des seniors. Le rédacteur en chef de Roller Hockey and Fun annonce également pourquoi il ferme le site de référence du roller hockey.

Culture Sport Yann Maillet Mondiaux

Que retenez-vous de ce Mondial ? Quels sont vos tops et flops ?

Énormément de choses. Comment ne pas faire un top du titre mondial des juniors ? Ils ont été exceptionnels durant toute la semaine et croyaient plus que quiconque dans leurs chances de réaliser cette performance incroyable. Un autre top serait Jérôme Salley, le gardien de l’équipe de France senior. Il a confirmé tout le bien que nous sommes nombreux à penser de lui. Il n’encaisse que trois buts en cinq rencontres, certes en fin de semaine contre des équipes de moindre envergure, mais son niveau de concentration et d’implication n’ont jamais varié. Si on doit reconstruire l’équipe de France après l’échec cinglant qu’elle vient de vivre, ce doit être autour de ce garçon. Le flop à mes yeux ce sont les féminines. Leur élimination en quart de finale est cruelle. Il y avait sans doute beaucoup mieux à aller chercher et nous avons tous été déçus pour elles sur place.

Vous ne faites pas des seniors et de leur neuvième place un flop ? Ils sont à leur place ?

Non ils ne sont pas à leur place mais non, ce n’est pas un flop. Cela fait des années que nous régressons et que nous tombons au classement. Il y a une somme de paradoxes incalculable dans cette équipe. Dès qu’elle se crispe, elle perd tous ses moyens. Elle est pressurisée par les enjeux au lieu d’en être transcendée. En fin de semaine elle a joué libérée et sans doute en colère contre des nations mineures et elle a compté énormément de buts. Mais dans les grands rendez-vous, là où ça compte vraiment, on ne sait pas marquer. Et pourtant le talent offensif nous l’avons, enfin, je suis encore assez naïf pour le penser. Alors neuvième non, ce n’est pas la place de l’équipe de France. Mais c’est la place d’une équipe qui doute d’un rien, qui s’entête parfois dans un système qui ne marche pas ou ne marche plus. La communication entre le staff et l’équipe semble rompue, ça saute aux yeux parfois. Mettez toutes ces problématiques, et sans doute encore d’autres, bout à bout et vous vous retrouvez logiquement neuvième.

Le staff doit être remplacé selon-vous ?

Pour le bien de tout le monde, oui je le pense, à la tête des seniors tout du moins. Bernard Seguy et Eric Perraudin font un très bon travail depuis des années et même ceux qui les allument courageusement dans des commentaires anonymes sont forcés de le reconnaître. Leur titre mondial avec les minots est aussi une preuve. Parce que là aussi il y a un paradoxe. On leur reproche mille choses avec les seniors mais personne ne les félicite pour les juniors, comme si c’était normal. On ne peut pas être coupable de tout d’un côté sans être responsable de rien de l’autre. Le titre mondial c’est aussi le leur. Mais avec les seniors ça ne marche plus. Bernard est en poste depuis près de vingt ans, je pense qu’il est temps qu’une autre personne ait la charge de l’équipe de France. Pour le bien collectif, pour le sien aussi sans doute et pour l’équipe et son avenir. L’échec de cette saison doit conduire vers autre chose. Maintenant, il y a les réalités d’un contrat de travail et de tout un système en place qui rendent les choses compliquées.

De mémoire de commentateur, le titre des juniors est le moment le plus émouvant et fort à commenter pour vous ?

Culture Sport Yann Maillet Mondiaux ToulouseC’est difficile de comparer à vrai dire. Je me suis posé la question déjà… J’ai commenté le titre de champion de France des Brûleurs de loups en 2007, à Grenoble, contre Morzine, après une attente de vingt ans des Isérois. C’était fort. Le titre mondial des juniors est un souvenir grandiose mais je pense que j’ai été encore plus marqué par la demi-finale. J’étais mort de trouille. L’histoire était tellement incroyable… Au coup d’envoi, n’importe qui aurait pu parier sur une très large victoire des Tchèques. Et puis non, les Bleuets les ont bouffés. Je ne suis pas capable de décrire l’état dans lequel j’étais après la demi-finale. Au coup de sifflet final contre le Canada, j’ai eu une pensée très humble pour Thierry Roland qui a toujours été mon modèle et je me suis dit, quel pied il a dû prendre en 1998. Il en rêvait tellement. J’avoue avoir osé la comparaison entre ce qu’il a dû ressentir et ce que moi j’étais en train de vivre. Et puis j’ai aussi eu une pensée pour Bruno Cadène et Julien Langlet qui m’ont appris les ficelles du métier lorsque j’étais à France Bleu Isère… Pour tous ces jeunes c’est le début de quelque chose, personnellement c’est un aboutissement.

Est-ce que ce titre est une surprise ?

Non. Ils étaient tellement sûrs d’eux… J’ai fait un papier de présentation pour Slapshot Mag avant le Mondial où j’expliquais que leur insouciance et leur confiance étaient des armes telles qu’elles pouvaient les laisser entrevoir un exploit immense. Les juniors ne se sont jamais désunis. J’ai eu peur qu’ils tombent dans des travers individualistes contre les Tchèques mais le collectif a toujours repris le dessus.

Si les juniors ont été sacrés champions du monde dans leur catégorie, ils pourront sans doute rééditer l’exploit chez les seniors du coup ?

La comparaison est impossible. Construire à termes l’équipe de France sur les bases de cette équipe junior championne du monde, oui, il faudra y penser évidemment. Mais transposer cette équipe en senior et dire qu’elle va performer, il y a un pas que je ne franchis pas… Le Mondial junior et senior sont deux mondes totalement différents. Je ne dis pas que ce n’est pas possible, je dis que ce n’est pas aussi simple que ça. On parle ici de la performance d’un instant T, de toute une alchimie qu’il est très complexe de reproduire. Comment sera ce groupe dans trois ou quatre ans ? Combien joueront encore avec la même implication ? A quel niveau ? Combien auront lâché le hockey pour les études ou pour autre chose ? Par contre on peut s’inspirer de ce qui a conduit ces jeunes à être champions du monde : l’état d’esprit et une totale décontraction.

Un petit mot sur l’équipe de France féminine. Elles terminent le tournoi en cinquième position alors qu’elles ne perdent qu’un match tout au long de la compétition. C’est dur !

Oui comme je le disais, c’est LE flop du Mondial car ces filles-là avaient de très bons arguments à défendre. A l’instar des juniors, on a vu un très beau groupe vivre ensemble et des filles vraiment toutes tournées vers un même objectif. Malheureusement, il a manqué quelque chose contre l’Espagne, sans doute de la sérénité et un peu d’application. C’est vraiment dommage.

L’organisation du tournoi a-t-elle été au rendez-vous ? A quand les prochains Mondiaux en France ?

Comme j’ai pu le dire après le Mondial, on en trouvera toujours qui auront à redire de ce Toulouse 2014. Moi j’ai trouvé ce Mondial très à la hauteur. Les tous premiers jours ont conduit à quelques hésitations, des doutes et parfois quelques coups de gueule mais tout est très rapidement rentré dans l’ordre. C’est une réussite avec en point d’orgue ce titre mondial junior. Quant à savoir quand nous pourrons à nouveau voir un Mondial en France, je pense qu’il faudra attendre une petite dizaine d’années, voire peut-être plus car cette compétition attire de plus en plus de nations et donc, de prétendants à son organisation.

Est-ce que la médiatisation de ce Championnat du Monde a-t-elle été de qualité, correspondant à vos attentes ?

Je ne sais pas vraiment… Oui c’était bien évidemment, mais bon si vous enlevez RHAF et la FMT on a vu quoi ? Quatre journalistes en quinze jours… Astrid Jacob et Reyda Messaoudi ont fait du bon travail en tentant de rameuter les troupes médiatiques. Il y a eu quelques résultats, il faut s’en féliciter. On ne peut pas espérer mieux sans une performance de l’équipe de France senior de toute façon.

Vous avez annoncé l’arrêt d’RHAF après le Mondial, quelles raisons à cela ?

Cela fait cinq ans que nous sommes là et il est temps pour nous de prendre du retrait. Nous n’avons pas de concurrence, c’est un point important. Mais aussi une équipe de titulaires très restreinte et j’avoue ressentir une forme de lassitude. C’est énormément de plaisir que de gérer un tel site, mais aussi pas mal de contraintes et des difficultés au quotidien. Il y a là encore un paradoxe… Depuis l’annonce de notre retrait, nous avons reçu énormément de messages de soutien, de remerciement. C’est très touchant et je remercie tout le monde à mon tour. Mais combien de ces personnes ont répondu à notre appel lors du lancement récent d’un t-shirt vendu vingt euros pour soutenir notre activité ? A peine une quinzaine. Si on les additionne à la petite dizaine de donateurs que nous avions eus en 2012, ça fait bien peu de soutien concret finalement. Mais je n’en veux à personne pour autant, les choses sont ainsi.

Un dernier mot ?

Oui, je souhaite préciser que je serai ravi le jour où je pourrais réunir messieurs Lemarchand, Pinçon, Normand, Chupin, Chauvey, Maillet (Seb), Borel, Uské, Albert, Angelo, Oulevey, Figueiras, Fiquet et Lavoie autour d’une bonne bière. Parce que la Dirty Ligue de NHL 14, ça déchire solidement !

Crédit photos : Focale 8, DR

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