
C’est la plus ancienne épreuve de ski de randonnée d’Europe. Concouru pour la première fois en 1954, le Trophée du Pic d’Anie s’apprête à célébrer sa soixantième édition les 19 et 20 avril prochains. Pour en savoir plus sur cet événement, nous nous sommes entretenus avec Michel Boyé, sextuple vainqueur de la course en équipe dans les années 90 et aujourd’hui responsable du parcours.
En quoi consiste le ski de randonnée ?
Pour schématiser, le ski de randonnée permet de monter en tous points, en tous lieux. A contrario des skieurs alpins, qui utilisent des remontées mécaniques dans un domaine préparé, ici on travaille dans un domaine naturel avec une autonomie totale. Nous sommes complètement dans la nature, jamais dans une station. Tout cela implique d’avoir de solides bases de géologie et de connaître le terrain si l’on veut pratiquer cette discipline !
Autrefois l’on pratiquait cette discipline avec des peaux de phoques attachées aux skis. Bien évidemment ce n’est plus le cas de nos jours, elles ont été remplacées par des fibres synthétiques. Elles permettent de grimper des pentes relativement raides pour le loisir, ou bien la compétition. Durant la montée vers le sommet on est en configuration ski de fond classique, les talons sont libres. Avant de descendre, on glisse les peaux sous les skis, on bloque les talons, et on dévale la pente, à l’instar du ski alpin.
En ce qui concerne notre course, il existe deux catégories distinctes : par équipes et individuelle. Pendant de nombreuses années, n’existait que le classement par équipes. La mixité est de mise pour les groupes : deux hommes et une femme. Avec les années, le nombre de formations baissant, nous avons ouvert le Trophée aux concurrents individuels. La Fédération Française de Ski nous a ensuite poussés à créer deux parcours distincts.
A propos de votre fonction dans cette épreuve, cela doit être assez complexe de sécuriser un parcours inhospitalier, peu contrôlé par l’Homme ?
Exactement, nous n’avons pas le droit à l’erreur. Le risque zéro n’existe pas. Par exemple, nous avions dû annuler la précédente édition car les conditions de sécurité n’étaient pas toutes réunies. Cela reste avant tout de l’associatif et du partage, il faut que cela soit festif.
En ce qui concerne mon rôle de traceur, c’est un travail de fond. Je dois constamment me tenir au courant des prévisions météorologiques. Je peux modifier certaines parties du parcours si le terrain n’est pas fiable. Le vendredi précédent le coup d’envoi, je pose les fanions indiquant la voie. Mais le lendemain ils peuvent être enfouis sous des chutes de neige ; dans ces cas il faut être très réactif !
Une compétition telle que le Trophée du Pic d’Anie, cela doit forcément se préparer en amont, si j’ose dire ?
Le dossier technique doit être présenté à la Fédération Française de Ski six mois à l’avance. Parcours, responsables des inscriptions, du matériel, des contrôles, tout est annoté dans cette charte. Nous essayons chaque année de repartir sur les mêmes bases, c’est-à-dire de conserver peu ou prou un tracé similaire. Le gros du travail est donc assuré d’un an sur l’autre, mais il faut tout de même s’adapter à la condition de la neige. En l’occurrence en 2014 nous allons effectuer un retour aux sources, en donnant le départ depuis l’Abérouat. Cela faisait en effet quinze ans que le départ était donné depuis la Pierre Saint Martin, et pour fêter les soixante ans de l’épreuve nous revenons aux origines.
Combien de participants prennent part au Trophée ?
En règle générale nous tournons aux alentours de la centaine ; nous sommes même montés jusqu’à 150 sportifs. Ils viennent généralement de part et d’autre des Pyrénées.
Ce retour à l’ancienne, était-ce un vœu des participants ?
Oui, certains nous ont fait part d’une certaine nostalgie. Au siècle dernier, le maître mot était le rassemblement, dans une notion de convivialité. Il est vrai qu’aujourd’hui les mentalités ont changé, cela s’est professionnalisé. Cependant, même si nous recevons chaque année un trio d’équipes au-dessus de la mêlée, nous ouvrons aussi nos portes aux moins aguerris, dans un but de partage. Ces derniers n’ont assurément pas la même mentalité que les cadors qui collectionnent les trophées ; par exemple ils n’hésitent pas à « casser la croûte » au sommet ! Certains sportifs ont donc une approche différente, et notre but est de satisfaire tout le monde.
Cela s’apparente assez au Tour de France : l’amateurisme et la franche camaraderie étaient les mots d’ordre à ses débuts, mais aujourd’hui, tout s’est professionnalisé…
Oui, c’est exactement le même cas de figure. Nous souhaitons retrouver cet esprit d’antan, via ce nouveau tracé. Mais je tiens à dire que le ski de randonnée garde toujours cet « esprit montagne », avec un besoin de se regrouper. D’ailleurs, cette phrase le montre bien : (il montre une image d’un skieur seul face à la montagne) « Ce serait bien plus beau si je pouvais le dire à quelqu’un…». La pratique montagnarde se fait à plusieurs, même les concurrents en solo disposent d’une structure de plusieurs personnes !
Pouvez-vous nous communiquer la recette d’une telle longévité ? Soixante éditions, ce n’est pas rien !
Il y a toujours eu des bénévoles dévoués : la voilà la recette ! Nous sommes aussi passés au travers « des histoires » qui ont entraîné la disparition de nombreuses courses, comme les problèmes d’organisation, ou les avalanches. Du dévouement, du sérieux et un brin de chance en somme.
Avez-vous des souvenirs marquants en tant que participant ?
Je pense que ma dernière victoire en 1998 fut vraiment spéciale. Après coup, je me suis dit que notre équipe n’aurait pas dû l’emporter. Ce fut une course difficile, la formation adverse était plus jeune, ils étaient donc en meilleur état physique, plus frais. Mais ils étaient assez inexpérimentés du fait de leur jeunesse. Je pense que notre passé a joué pour nous. Nous étions particulièrement bons en ce qui concerne le maniement des skis ; lors de ces phases, ils ont été déstabilisés. Rendez-vous compte : au sommet, (2504 m) nous avions cinq minutes de retard ! Cela n’a pas chômé pour sortir les peaux de ski. Après la descente, l’écart était tombé à deux minutes.
Puis au moment de déchausser, nous sommes partis en courant tandis que nos rivaux ne s’entendaient plus. J’étais persuadé qu’ils allaient nous rattraper sur les derniers kilomètres mais ils se houspillaient encore ! Après cette victoire, j’ai ramené le deuxième Trophée du Pic d’Anie à la maison. Il faut savoir que ce prix n’est attribué qu’au bout de trois victoires consécutives, et à ce jour je suis le seul à l’avoir empoché à deux reprises.
Des projets pour les prochaines années ?
Comme je l’ai dit, le parcours n’est jamais figé. Il peut changer dans une paire d’années et revenir à une forme plus contemporaine, à condition que la neige soit bonne.
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