ASSOCIATION. L’engagement de Sébastien Boueilh est admirable et courageux. Fondateur et président de l’association Colosse aux pieds d’argile, il consacre ses journées aux autres. A ceux qui, comme lui étant enfant, ont été victimes ou exposés à des actes pédophiles. Il tente de prévenir, parfois de guérir, de jeunes sportifs voués au silence dans une société où le viol et les abus sexuels sont si tabous. Il met en lumière un mal bien présent qui touche à la fois le sport, la religion, l’éducation… L’ancien rugbyman parcourt ainsi les clubs, les fédérations et les écoles afin de sensibiliser les jeunes mais aussi les encadrants, les entraîneurs et les parents.
“L’association est née de mon histoire. J’ai été violé de 12 à 16 ans en milieu familial. Après 18 ans de silence, j’ai réussi à parler grâce à une autre victime. J’ai porté plainte et mon agresseur a pris 10 ans ferme. Pendant le procès, j’ai réfléchi à la manière dont je pouvais aider et protéger les potentielles victimes que peuvent être les enfants.”
Le nom de l’association est un clin d’œil à son procès. “Dans ma plaidoirie, mon avocat a dit “regardez ce colosse aux pieds d’argile, il est passé par tous les états de destruction.” Et c’est tellement ça…”
Si les familles parlaient davantage de sexe à leurs enfants, il y aurait beaucoup moins de problèmes.
Si les actions de Sebastien se concentrent essentiellement en milieu sportif, il intervient aujourd’hui lors des temps d’activités périscolaires (TAP), non pas dans le cadre de l’Education nationale, mais en lien avec les mairies, qui se montrent parfois un peu réticentes.
Parfois accompagné d’une victimologue lors de ses interventions, il s’adapte au public et à l’âge des enfants qu’il rencontre. “Je m’appuie souvent sur le petit guide qu’on a créé. Il est divisé en deux parties. L’une est consacrée aux 5-10 ans. Suivant leurs réponses à un questionnaire, on détermine si l’enfant est en danger ou s’il sait se protéger vis-à-vis de ses éventuels “prédateurs”. L’autre partie, destinée aux 10-15 ans, est plus informative.”
La sensibilisation passe également par les parents. Ouvrir le débat en famille est en effet une étape cruciale. “Parler de sexe en famille c’est très rare et c’est compliqué. Il y a un peu de pudeur encore. Si les familles parlaient davantage de sexe à leurs enfants, il y aurait beaucoup moins de problèmes. Je leur apprends que leur corps leur appartient. Que ce qu’il y a dans leur slip ou leur culotte, personne n’a le droit d’y toucher à part le médecin.“
Contrairement à certains autres milieux, les fédérations sont dans l’action et non dans la réaction.
On a parfois l’impression que le sport est un monde à part, un peu sanctuarisé. Il apparaît parfois comme un lieu de non-dits, peut-être de silence même. Le coup de projecteur que permet l’association sur la pédophilie permet, petit à petit, de mettre des mots sur un mal bien présent. “Grâce à mon témoignage, je dirais que les langues se délient. Maintenant les journalistes s’intéressent à ce sujet dans le domaine du sport. J’ai ouvert la porte et les médias s’y engouffrent, donc tant mieux.“
Ce qui fait la force de l’association c’est également le fait que l’histoire personnelle de Sebastien fasse écho à celle des jeunes qu’il rencontre. “Un homme, rugbyman, qui a été violé, ça surprend et du coup ça percute.“
Malgré son parcours et son histoire, son regard sur le sport n’a pas changé. Certains sont parfois encore réticents à l’idée d’accueillir l’association et parler aussi ouvertement de pédophilie, sans tabous. Mais parallèlement, de plus en plus de fédérations s’engagent dans la lutte entreprise par Sébastien. C’est ce qui l’encourage à poursuivre sa démarche. “Contrairement à certains autres milieux, elles (les fédérations, ndlr) sont dans l’action et non dans la réaction.“
L’avenir de Colosse aux pieds d’argile se construit aujourd’hui autour de nombreux projets. “Nous aimerions être reconnus “d’utilité publique”. Mais il s’agit également de continuer à réunir le maximum de fédérations via notre charte. J’interviens en effet directement auprès d’elles. Notre association s’articule beaucoup autour de la protection de l’enfance et des éducateurs. On leur apprend à ne pas se mettre en danger ou dans une situation qui pourrait être mal interprétée. On les forme à identifier une victime et comment réagir.“
Propos recueillis par Eloïse Guillermic (LeSportJadore).
Merci à Sebastien Boueilh pour sa disponibilité.
Crédits photos : page Facebook officielle de Colosse aux pieds d’argile.
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