FOOTBALL. David Lortholary, journaliste RMC Sport et spécialiste du football Outre-Rhin, a accepté de répondre aux questions de l’équipe de cultureSPORT.
cultureSPORT : Quel débrief général peux-tu faire de l’Euro qui vient de se dérouler ?
David Lortholary : Sans un mode complètement dilué avec la qualification de la plupart des troisièmes de groupe, le Portugal n’atteignait pas les huitièmes de finale ! Sur 50 ans d’Euro, cette équipe mérite un titre. Mais là, 16 qualifiés sur 24, c’est du délire populiste.
cultureSPORT : Quelles perspectives pour la sélection allemande et la (les) stratégies à adopter pour la prochaine Coupe du Monde pour Joachim Löw ? L’équipe d’Allemagne est-elle un savant mélange de jeunesse et d’expérimentés ?
David Lortholary : Le manque de réalisme a été une question centrale au cours de la compétition. À tel point qu’Horst Hrubesch, qui s’occupe de la sélection des U23, se méfie du manque de relève à ce poste et prendra soin, dans un proche avenir, d’appeler plusieurs avants-centres. Pour le reste, les perspectives pour 2018 sont très bonnes. L’autre poste problématique – la défense latérale, depuis le départ de Philipp Lahm – a trouvé une pertinence avec Hector et Kimmich.
“En 2016 les Allemands se savaient meilleurs.”
cultureSPORT : Comment est perçue par l’Allemagne, l’Equipe de France depuis l’arrivée de Didier Deschamps aux commandes mais aussi à la fin de cet Euro ?
David Lortholary : La France est toujours considérée comme l’un des adversaires les plus forts en Europe, même si en 2016 les Allemands se savaient meilleurs. Ils ont constaté que, comme c’est le cas de temps en temps, ce n’est pas le meilleur qui gagne mais le plus fort le jour J. A mon sens, la perspective de 2018 permet de digérer l’échec en demi-finale sans trop de douleur.
cultureSPORT : La défaite face à la France à l’Euro annonce-t-elle le début d’un déclin comme celui de la sélection espagnole ?
David Lortholary : Étant donné le travail de formation depuis le début des années 2000, les infrastructures, le modèle économique et, à court et moyen terme, les talents comme Leroy Sané (Schalke 04) et Julian Brandt (Bayer Leverkusen) qui arrivent en sélection, non.
cultureSPORT : L’équipe Allemande paie-t-elle encore le choix de se reposer encore une fois sur certains « historiques » comme Bastian Schweinsteiger et Lukas Podolski ?
David Lortholary : Non, car la présence de ces joueurs cadres ne se justifie pas seulement par leurs performances sur le terrain.
cultureSPORT : Qui pourrait remplacer Schweinsteiger dans une configuration Khedira-Kroos-Ozil titulaires ?
David Lortholary : Julian Weigl* (milieu de terrain du Borussia Dortmund, 20 ans), sans doute.
cultureSPORT : Considères-tu Johannes Hector, Julian Draxler, Leroy Sané, Joshua Kimmich comme des futurs tauliers ? Quelles sont leurs principales qualités ?
David Lortholary : Oui, sans doute, encore que Schürrle et Götze auraient dû l’être après la finale du Mondial 2014 et qu’on attend toujours. Leur qualité principale est leur complétude technique, encore que le cas de Jonas Hector soit particulier car plus propre à un couloir, à la manière de Marcell Jansen* (milieu latéral gauche du Borussia M ; 30 ans) avant lui.
cultureSPORT : Dans le football d’aujourd’hui, être sans numéro 9 semble être un vrai problème pour les phases finales d’une grande compétition. La France a comme pilier Giroud, l’Allemagne Mario Gomez… A-t-on vraiment plus besoin de puissance que de finesse devant le but ? L’après « Miroslav Klose » semble difficile… Qui émerge pour postuler en numéro 9 dans la Mannschaft avec Gomez donc et André Schurrle ?
David Lortholary : La saison qui vient sera un bon élément de réponse ! Il y a toujours besoin d’impact et de percussion dans une équipe qui en manque et dans des tournois de fin de saison. Sauf si Götze évolue au niveau de Messi, ce qui est plausible mais reste à démontrer.
cultureSPORT : Que manque-t-il à Mario Götze pour rayonner en équipe nationale comme au Bayern ? Des espoirs ont été placés en lui et il est parfois transparent, parfois approximatif mais si décisif au Brésil en 2014 !
David Lortholary : La même chose qu’à Ribéry : de la confiance et une forme physique homogène. Blessé ces derniers temps avec le Bayern, il a forcé sur la musculation du haut du corps et manque désormais de virtuosité corporelle. Subtil…
cultureSPORT : Sur quoi repose la formation allemande, le jeu allemand ?
David Lortholary : La technique et la règle du « donne (ton ballon) et va (dans l’espace) ».
cultureSPORT : On résume trop souvent la Bundesliga à un duel à 3, Bayern, Dortmund, Wolfsburg, heureusement la remontée fantastique du Borussia M fait un peu déjouer les pronostics. Qu’est-ce qui fait que ces 3 clubs sont au-dessus ? Les autres clubs sont si peu en mesure de les inquiéter malgré l’envie du « beau jeu », de la prise de risques ?
David Lortholary : L’une des clefs est la stabilité et la fiabilité de l’équipe dirigeante. C’est ce qui manque à Schalke ou au Hertha.
cultureSPORT : Les chances de revoir Marco Reus au meilleur niveau sont-elles hypothéquées après une série noire de blessures ?
David Lortholary : Il semblerait que non. Avec Götze, Schürrle, Aubameyang s’il reste, Mor et Dembélé, assistés de milieux de terrain de haut niveau comme Rode, Sahin et Castro, il sera bien entouré.
“La Ligue 1 n’intéresse pas les Allemands.”
cultureSPORT : La Ligue 1 attire-t-elle les joueurs allemands autant que les Français sont attirés par elle ? Des joueurs de Ligue 1 moyens se retrouvent adulés aujourd’hui en Allemagne… Aubameyang, Kalou… comment l’expliques-tu ?
David Lortholary : La culture foot ! Les stades, l’atmosphère, le respect de la vie extra-sportive, la santé financière, le jeu offensif pratiqué en général… Les arguments ne manquent pas. Après, il faut leur poser directement la question. La Ligue 1 n’intéresse pas les Allemands.
cultureSPORT : Enfin, à quoi t’attends-tu au Bayern avec Carlo Ancelotti aux commandes ? L’adaptation des promus est-elle difficile ?
David Lortholary : Une équipe équilibrée, plus stable, moins surprenante, moins extrémiste que celle de Josep Guardiola. Moins excitante aussi ? Pas sûr : si le jeu plus simple et plus franc qu’il met en place est efficace, ça peut faire une saison en mode feu d’artifice. Les matches amicaux n’ont pas affiché cette tendance mais il manque encore trop de titulaires.
Propos recueillis par Pierre-Alexandre Carré (@carr_pierre64)
Crédits photos : page Facebook officielle de l’UEFA Euro
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