Les coureurs s’apprêtent à donner leurs ultimes coups de pédale dimanche en Italie. Si le Tour de Lombardie est le dernier « monument » de la saison, il n’en demeure pas moins exigeant et réunit, chaque année, le gotha du peloton mondial pour un feu d’artifice aux couleurs automnales.

Ces montagnes, ces lacs. Le Tour de Lombardie est l’automne renvoyant au printemps et à Milan-San-Remo, à ces Capi et sa mer méditerranée. Comme pour la Primavera, la classique lombarde offre aux coureurs encore présents à cette période de l’année, l’un des plus beaux paysages dans lequel ils puissent évoluer. Datant de 1905 (alors appelé Milan-Milan, ce n’est qu’en 1907 que le Tour de Lombardie prendra son nom actuel), ce « monument du cyclisme » a vu son parcours évoluer au fil des années. 2014 n’échappe à la règle et nous propose une nouvelle danse entre Côme et Bergame, au final plus rythmée que les précédentes versions. Après avoir gravi la Madonna del Ghisallo et son sanctuaire à l’effigie des cyclistes, il faudra attendre les cent derniers kilomètres et le colle Gallo pour voir un premier écrémage s’effectuer, écrémage qui deviendra véritablement sélectif avec la passo di Glanda. Ce col de 9,2 km à 7,3 % de pente de moyenne avec une pointe à 15 % sera très certainement une piste de lancement idéal pour le reste de la course. Car, au contraire des vingt bornes en vallée qui précédaient l’ultime difficulté ces trois dernières années, le final n’autorisera que peu de retour par l’arrière. Les difficultés s’enchaîneront comme les temps de la valse cher à Jacques Brel. D’abord Bracca. Ensuite Berbenno. Puis la descente, rapide, vers Bergame. Il sera alors temps de partir à l’assaut de la vieille ville, à l’ascension aussi courte (1,2 km) qu’étroite (au passage de la porte Garibaldi, les pavés remplacent l’asphalte sur 150 mètres et la route se referme comme un goulot pour ne laisser passer que deux coureurs de front). Plus large, la descente finale aux virages en épingles n’autorisera aucun relâchement dans un parcours haletant de bout en bout.
Grâce au terrain de jeu offert par la Lombardie, il n’est pas étonnant que des grands noms soient venus marquer de leur empreinte cette prestigieuse épreuve italienne, lui donnant ses lettres de noblesse. Jusque dans les années 1960, et cela malgré les français Gustave Garrigou (1907) et Henri Pélissier (1911, 191 et 1920), la Course des feuilles mortes (la corsa delle foglie morte) a longtemps été l’apanage des coureurs transalpins. Alfredo Binda (1925, 1926, 1927, 1931) et le mythique Gino Bartali (1936, 1939, 1940) s’y sont notamment illustrés avant guerre. Après la seule interruption de deux ans due au conflit mondial, « Gino le Pieux » ne pourra toutefois rien face à son éternel rival Fausto Coppi qui remportera quatre fois de suite le Tour de Lombardie (de 1946 à 1949) avant de parachever son emprise sur cette épreuve en obtenant le record de victoire en 1954 (5 succès). Pléthore de champions ont succédé au « Campionissimo », de Louison Bobet à Philippe Gilbert, en passant par Tom Simpson, Felice Gimondi, Roger De Vlaeminck, Francesco Moser, Bernard Hinault, Sean Kelly, Andrea Tafi, Michele Bartoli ou Paolo Bettini. Eddy Merckx y figure également trois fois mais sa dernière victoire, en 1973, lui a été retirée après avoir été convaincu de dopage. Au contraire du « Cannibale », Joaquim Rodriguez a, quant à lui, encore l’occasion de triplé la mise ce dimanche. Il rejoindrait ainsi l’ancien « petit prince » de l’Italie, Damiano Cunego, au palmarès.

Qui pour battre Purito dimanche ? Si le parcours se prête parfaitement à ses caractéristiques, la forme affichée par l’ibérique lors du championnat du monde laisse envisager une course plus disputée que l’année dernière. Dans sa quête de triplé, Rodriguez pourra compter sur le vainqueur de Milan-Turin, Giampaolo Caruso et Dan Moreno, troisième de la même épreuve. Ils ne seront de toute façon pas de trop pour canaliser d’autres espagnols aux dents acérées. Alejandro Valverde, à la forme pétaradante depuis le début de la saison, voudra à coup sûr oublier son énième mais non victorieux podium sur le mondial. Grand absent à Ponferrada, Alberto Contador, numéro 1 au classement UCI, a prouvé qu’il était en jambe sur Milan-Turin et nourrira aussi des ambitions dans une classique qu’ « [il] connaî [t] par coeur ». S’il s’est bien remis de son sacre mondial, il y a fort à parier que le polonais Michal Kwiatkowski sera également présent dans le final, lui qui a démontré toute sa palette sur la terre espagnole. Si Vicenzo Nibali ne sera pas de la partie, la révélation italienne, Fabio Aru, pourrait faire chavirer le cœur des tifosis. Il ne faudra pas non plus oublier les BMC avec Samuel Sanchez, Tejay Van Garderen et Cadel Evans pour emmener ou ramener un Philippe Gilbert de nouveau en verve et qui peut aussi rêver du triplé après 2009 et 2010. Côté français, depuis la victoire de Laurent Jalabert en 1997, personne n’a véritablement brillé sur la Course des feuilles mortes. On sait que Thibault Pinot apprécie particulièrement cette classique. De même, Bardet ou Barguil peuvent jouer les premiers rôles, mais jusqu’à quel point arriveront-ils à suivre le rythme effréné qui les attendent dimanche du côté des monts lombards ?
Crédit photo : Page Facebook officielle d’Il Lombardia.
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