Une chose est sûre. Cette Vuelta restera ancrée dans nos mémoires pour quelques mois, voire même pour quelques années. Entre l’avènement de Chris Horner, à 42 ans, et la confirmation de nos talents Français, cette fameuse génération 90/91, ce Tour d’Espagne 2013 nous a offert son lot de surprises.
1. Toujours la préparation idéale ?
C’est un nouveau débat qui s’ouvre sur la planète cyclisme. Depuis l’instauration des courses canadiennes, le Tour d’Espagne, reconnu comme préparation idéale pour les mondiaux, est remis en question. Les conditions météorologiques n’ont pas joué en faveur du grand tour et bon nombre de coureurs ont abrégé leur voyage ibère. Mais ces départs anticipés étaient prévus, afin d’éviter une hypothétique fatigue de fin de saison. Et au sortir de la Vuelta, nombreux sont-ils à faire le déplacement en Toscane emplis de confiance : après le cyclo-cross, Stybar a pris une nouvelle dimension sur la route. Gilbert a renoué avec le succès, à l’image de l’année précédente. Les Espagnols se sont montrés et seront inévitables à Florence. Et comment omettre Horner ? L’Américain va-t-il devenir le champion du monde le plus âgé de l’histoire ? Bref, la Vuelta a souri aux principaux prétendants au tricot irisé. Sauf – peut-être – le grandissime favori, Nibali. Le Squale, dont le circuit convient parfaitement à ses capacités, sort de ces trois semaines en plein doute, après la déroute sur l’Anglirú. // Julien Detroz
2. Le magnifique raid solitaire mais infructueux de Tony Martin
Nous n’avions jamais vu ça. Ou plutôt, je n’avais jamais vu ça. Pour une fois, je vais parler pour dire ce que je pense. Franchement, depuis que je m’intéresse au sport cycliste, c’est-à-dire depuis une petite décennie, je n’ai rarement eu l’occasion de regarder un coureur partir au kilomètre zéro, seul, et rouler comme un TGV (ou presque) jusqu’à la ligne d’arrivée (ou presque). La performance réalisée par Tony Martin en a laissé plus d’un pantois. Surtout quand on connait la fin. Une fin terrible, presque horrible. Oui, le champion du monde du contre-la-montre ne s’est pas imposé à Caceres et pourtant, l’aurait mérité. Vingt-cinq petits mètres. Il lui a manqué seulement vingt-cinq petits mètres ! Le vainqueur moral, c’est bel et bien lui. Pas Michael Morkov, même s’il a levé les bras, lui, le champion du Danemark. Quelques minutes après l’arrivée, l’Allemand est monté sur le podium, pour aller chercher le trophée du plus combatif du jour. Recevoir un petit bibelot après avoir passé 175 kilomètres en tête de la course, pas sûr que ça l’est consolé. Pour la petite anecdote, le coureur ayant subitement mis un terme au rêve de Martin, de lever les bras, est Fabian Cancellara… Tiens tiens, son rival dans l’exercice chronométré. Oui, celui à qui il a repris le maillot arc-en-ciel ! Le Suisse, en lançant le sprint du peloton, a condamné les espoirs de victoire du coureur d’Omega Pharma-Quick Step. Ça sent la revanche du côté de Florence.
3. Gagner à la quarantaine, possible ?
Il fût une époque où il n’était pas rare que des trentenaires remportaient des grands tours. C’était à l’avant-guerre. Depuis, les mentalités ont changé, et lorsqu’un quarantenaire s’impose sur la Vuelta, beaucoup s’exclament au tricheur. Oui, c’est étonnant, inhabituel du moins. Mais quand on se penche d’un peu plus près sur le parcours de Chris Horner, son maillot rouge prend du crédit. L’Américain a rencontré un début de carrière mitigé. Son aventure en Europe ne le convainc pas et il préfère retourner outre-Atlantique. C’est à trente-trois piges qu’il refait apparition sur le vieux continent. Or, son faible CV ne lui offre qu’un statut d’équipier. Dans l’ombre des Evans, Contador et autres Schleck. Il a fallu attendre que ce dernier s’effondre pour que Horner démontre enfin l’étendue de son talent. Déjà en vue sur Tirreno, le Yankee annonçait au départ de la Vuelta ses ambitions élevées. Horner était visiblement le seul à croire en son potentiel. Expérimenté et extrêmement frais (il n’a pas couru la première partie de saison en raison d’une blessure), il a piégé les favoris en dernière semaine. Nourrissant l’admiration des optimistes à un cyclisme, le succès final de Horner ne pourra qu’alimenter la méfiance des incrédules… // Julien Detroz
4. Euskaltel-Euskadi se retire sur un succès collectif
Même si l’annonce du rachat de la formation Basque, par Fernando Alonso, a fait le plus grand bien et son petit effet dans le monde cycliste, cette Vuelta 2013 restera tout de même le dernier Grand Tour pour ce sponsor historique, présent depuis une vingtaine d’années dans les pelotons professionnels. Au départ de Vilanova de Arousa, l’objectif était clair pour les hommes d’Igor Gonzalez de Galdeano : décrocher au moins une place sur le podium à Madrid et/ou glaner une petite victoire d’étape. En alignant ses trois grands leaders, Samuel Sanchez, Igor Anton et Mikel Nieve, l’équipe orange s’assurait peut être une bonne perf’. Hélas, aucun succès d’étape n’a été décroché et aucun coureur n’a pu se hisser dans les cinq premiers du général final. Par contre, Euskaltel s’est imposé au classement par équipes. Histoire de terminer en beauté. Le team est donc monté sur le podium dans la capitale Espagnole, arborant fièrement le drapeau Basque. Dernier instantané des coureurs aux mythiques maillots orangés sur une épreuve majeure. Le champion Olympique de Pékin a déclaré qu’Euskaltel-Euskadi, en remportant le classement par équipes «quitte le cyclisme avec joie, mais il était inévitable de voir des larmes. Nous avons vécu des années fantastiques. Nous formons une famille». L’an prochain, Sanchez, Anton et Nieve reviendront peut être avec une tunique aux couleurs de Fiat, Santander ou Vodafone. L’équipe sera devenue Asturienne. Asturienne, aux racines Basques.
5. Chez elle, les équipes Espagnoles n’ont rien gagné
Aussi incroyable que cela puisse paraître, ni la Movistar, ni Euskaltel-Euskadi et ni la Caja Rujal n’ont réussi à décrocher le moindre bouquet. Bon, après il faut dire, que cette année, les formations Espagnoles n’étaient que trois. L’an passé, elles étaient encore quatre, en 2010 au nombre de cinq. Il y a dix ans, sept équipes étaient présentes à domicile. En 2003, pour sa deuxième Vuelta, Alejandro Valverde, alors chez Kelme, remportait deux victoires d’étapes. Une décennie plus tard, chez Movistar, niet. Des trois teams rouges et jaunes, le lauréat de l’édition 2009 a été le plus proche du succès : deuxième lors de le la troisième et de la neuvième étape, il a également terminé à la troisième place de la dixième et vingtième étape. Cette régularité lui a permis de remporter le classement par points. Par contre, si aucune équipe Espagnole n’a triomphé, deux leaders du cyclisme Ibérique se sont distingués : Daniel Moreno en glanant deux étapes et en portant le Maillot Rouge une journée ainsi que Joaquim Rodriguez qui s’est imposé à Oviedo.
6. Sprinteurs sur la Vuelta, dur métier…
Il y a encore deux ans, Mark Cavendish et Peter Sagan prenaient part au Tour d’Espagne. Depuis, la Vuelta est orpheline de sprinteurs renommés. La faute est clairement attribuée aux traceurs, lesquels axant la majorité des étapes aux profits des grimpeurs. Résultat, la plupart des sprinteurs préfèrent rouler ailleurs, là où le terrain leur convient mieux. L’occasion était belle pour Matthews de cueillir quelques roses sur le sol ibère, lui qui s’était rassuré auparavant sur le Tour de l’Utah. À défaut de conserver le maillot vert jusque Madrid, l’Orica peut légitimement se considérer comme le meilleur sprinteur du cru 2013. Et pourtant, il doit se contenter de deux succès. Non, il n’y avait tout de même pas deux occasions pour les sprinteurs. Mais les équipes menant la chasse aux échappés n’étaient guère armées et motivées. L’échappé Tony Martin n’a été revu qu’à trente mètres, et encore, c’est Cancellara qui a fait l’effort pour revenir. Lorsque Stybar et Gilbert attaquent, personne ne peut les reprendre. Et en troisième semaine, un coup de bordure suffit à désorganiser les équipiers, laissant Mollema faire le coup du kilomètre. Reverra-t-on les sprinteurs, les vrais, à l’avant plan lors des prochaines éditions ? Rien n’est moins sûr ! Les traceurs ont affirmé perpétuer les parcours difficile pour donner un cachet particulier à leur course. Et puis, ces courses décousues, ces finales inattendues, elles plaisent au téléspectateur neutre, qu’importent les acteurs ! // Julien Detroz
7. Les Français font la fiesta en la Vuelta a Espana !
C’est un Tour d’Espagne historique pour nos coureurs tricolores. N’ayons pas peur des mots ! Quatre victoires d’étapes. En huit jours. Du jamais vu depuis un certain Laurent Jalabert en 1995, l’année de sa victoire finale. Le festival bleu a débuté par un éclatant succès de Warren Barguil (Argos-Shimano). Le lauréat du Tour de l’Avenir 2012 est allé décrocher son premier bouquet pour son… premier Grand Tour en faisant preuve de panache. A un kilomètre de l’arrivée, alors qu’il était échappé avec des gars de renoms comme Bauke Mollema (Belkin), les Basques Egoi Martinez (Euskaltel-Euskadi) et Amets Txurruka (Caja Rural) ainsi que les Italiens Michele Scarponi (Lampre-Merida), Rinaldo Nocentini (Ag2r La Mondiale) et Ivan Santaromita (BMC Racing Team), le néo-pro place un violent démarrage et ne sera jamais revu. Si, mais par les (télé)spectateurs, sur la ligne d’arrivée, en vainqueur. Il rééditera deux jours plus tard, en montagne cette fois-ci, devançant d’un rien (0,003 secondes) le deuxième du dernier Giro, Rigoberto Uran (Team Sky). Rien que ça ! La veille, c’est Alexandre Geniez (FDJ.fr) qui a eu l’honneur de monter sur le podium en s’imposant au sommet de Peyragudes, à la maison presque. Une semaine plus tard, c’est son équipier Kenny Elissonde qui a également inscrit son nom au palmarès des vainqueurs d’étapes de cette édition 2013. Comme son pote Barguil, il a été formé au CC Etupes. Comme Barguil, Elissonde a 22 ans. Comme Barguil, Elissonde disputait sa première épreuve de trois semaines. Comme Barguil, Elissonde a gagné une étape lors de son premier Grand Tour. Mais lui a triomphé après avoir vaincu l’Angliru. Un exploit retentissant. Ou plutôt des exploits retentissants. Car à ces quatre étapes, on peut ajouter la belle septième place au général de Thibault Pinot (FDJ.fr), qui est bien revenu après son Tour de France loupé, et le maillot blanc à gros pois bleus de Nicolas Edet (Cofidis), meilleur grimpeur 2013. Oui, vraiment, nos coureurs Français ont su nous faire vibrer. Merci.
Crédit photos : Facebook officiel de la Vuelta & Francis Lafargue
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