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Sortir du bad(minton)-trip français

BADMINTON. Entre coups d’éclat et déceptions, les joueurs de badminton français ne parviennent pas à briller durablement au plus haut niveau. Au stade Pierre-de-Coubertin (Paris), aucun n’a passé le stade des huitièmes de finale des Internationaux de France. Pour endiguer ce problème, la fédération a décidé de miser sur le temps long.
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Peter Gade observe bien attentivement Lucas Claerbout. Crédit : Badminton Photo.

Les GRANDS formats.

« Bien sûr que je suis déçu… Déçu d’abord pour les joueurs, et pour le badminton français ensuite », soupire Richard Remaud dans son bureau éphémère de Coubertin. Les poulains du président de la Fédération française de badminton ont été éliminés aux portes des huitièmes de finale de l’Open de France. « Ce tournoi est de niveau mondial : il rassemble les meilleurs joueurs sur tous les tableaux. Nécessairement, nous devons hisser notre niveau. La déception est là, mais il nous faut du temps et beaucoup de travail. »

Le badminton français vit de coups d’éclat et de déception. Mi-octobre, Brice Leverdez créait la sensation en battant le leader du badminton mondial, le Malaisien Lee Chong Wei. Le lendemain de son exploit, le numéro 1 français s’écroulait sèchement en demi-finale contre le 18e mondial… Le meilleur badiste français symbolise à lui seul l’état actuel du badminton français : inconstant. A côté du joueur de 30 ans, des espoirs commencent à éclore sur la scène internationale : Léa Palermo, Lucas CorvéeGaëtan Mittelheisser ou encore Delphine Lansac. Victorieuse de l’Open de Pologne en mars dernier, cette dernière s’est pourtant faite éliminer dès les 16e de finale des Championnats d’Europe un mois après.

Recherche de régularité

Cette régularité qui manque tant aux badistes français, la Fédération française de badminton espère la trouver dans l’expérience du Danois Peter Gade, nommé depuis un an et trois mois directeur de la performance de l’équipe de France. Son palmarès a de quoi imposer : ancien numéro un mondial, cinq fois médaillé aux Mondiaux et autant de fois champion d’Europe. « C’est un nom. Quand il est là, tu as envie de montrer le meilleur de toi-même », assure Gaëtan Mittelheisser, joueur de l’équipe de France croisé dans les travées du stade Pierre-de-Coubertin.

Même si les résultats tardent à arriver, la Fédération ne s’inquiète pas : « C’était dans le contrat moral dès le départ, indique Richard Remaud. Peter Gade est une personne très intelligente et très objective. L’une des premières choses qu’il m’a dite avant de signer en mai 2015, c’est qu’il ne me promettait pas de médailles aux championnats d’Europe 2016. » Et d’ajouter : « Nous avons quand même gagné le tournoi de Belgique en simple et en double. Et puis, la France est vice-championne d’Europe masculine par équipe. Nous avons fait aussi bien qu’au football ! », souligne-t-il en esquissant un sourire.

« Un travail de reconstruction des bases »

L’arrivée du technicien danois n’a pas tout révolutionné d’un coup. Il a fallu que les joueurs s’adaptent à sa façon de travailler, surtout que Peter Gade entend réaliser un travail de fond : « Quand je l’ai rencontré, il m’a dit qu’il voulait du temps car il y avait trop de lacunes chez les joueurs français, raconte Fabrice Vallet, directeur technique adjoint et ancien entraîneur de l’équipe de France. Il a fallu commencer par tout un travail de reconstruction des bases. »

En conférence de presse, Lucas Corvée, 23 ans, confiait qu’il avait fallu du temps pour s’adapter au travail de Peter Gade mais que les effets commençaient à se faire sentir. « Il y a eu un travail en amont avec les entraîneurs précédents, nuance Gaëtan Mittelheisser. Ce n’est pas parce que Peter est là que l’on doit oublier tout ce qui a été fait auparavant. » A côté, Léa Palermo rajoute : « L’entraînement est nouveau mais nous en avions besoin. Peter Gade a davantage le souci du détail. Il est très carré, très méticuleux. Avec lui, on tend vers davantage de professionnalisme. »

Le cas Leverdez

Seul bémol au tableau, l’absence à l’INSEP du meilleur joueur français. Après deux mois d’entraînement avec le Danois, Brice Leverdez a décidé de se préparer avec son équipe. Un choix compris par la direction du badminton français mais regretté : « Ce que je déplore, c’est qu’il n’ait pas vraiment essayé au contraire de Lucas Corvée par exemple, explique Fabrice Vallet. C’est dommage qu’il ne soit pas avec nous pour l’image du badminton français. Brice Leverdez est notre locomotive et nous aurions bien aimé profiter de son expérience. »

Le président de la Fédération abonde dans ce sens et précise la volonté de Peter Gade : « Pour relancer la culture du badminton français, il souhaite rassembler l’ensemble des meilleurs joueurs français. L’expérience acquise entre eux sera ainsi partagée. Nous devons préparer la relève. »

« Les accompagner génération après génération »

Avec Peter Gade, la Fédération a donc opéré un virage et regarde vers la jeunesse. Premier objectif annoncé : les Jeux Olympiques à Tokyo en 2020. Les Gaëtan Mittelheisser, Lucas Claerbout ou encore Lucas Corvée seront alors âgés de 27-28 ans et entreront dans leurs meilleures années : « Hormis Brice, nos talents sont encore jeunes, ils doivent patienter. D’ici 3 ou 4 ans, ils feront peut-être partie des plus grands. Notre rôle, c’est de les accompagner génération après génération », explique le président de la Fédération.

Pour ce faire, les instances nationales entendent développer et améliorer les structures qui permettront aux futurs talents de briller sur la scène internationale. La Fédération a ainsi décidé d’augmenter le nombre de participants au championnat de France jeunes. Une mesure destinée à mieux quadriller le territoire afin de repérer les petits champions déjà licenciés. L’école est le deuxième terrain privilégié de la Fédération. « Là où l’on trouve un ballon de foot, de hand ou de rugby, nous aimerions qu’il y ait également un kit de badminton », précise Richard Remaud, pariant sur le côté pédagogique de la discipline.

Et déjà, le président de la fédération pense aux futurs nouveaux nés : « Nous nous demandons si un nourrisson venant au monde aujourd’hui peut devenir le champion de demain. Ce n’est pas encore le cas. Mais nous faisons tout ce qu’il faut pour que cela arrive dans les 24 ans à venir. » Du temps, encore du temps.

Eva Mignot (@Mignot_E) & Thibault Burban (@thibaultburban).

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