Cyclisme

Le Putsch d’Igor Gonzalez de Galdeano

C'est la fin d'une ère longue de 19 ans

Parce qu’à côté de l’Affaire Armstrong, d’autres choses se passent dans le vélo… D’accord, le titre fait figure d’hyperbole. Bien sûr Igor Gonzalez de Galdeano n’a utilisé ni la force ni des moyens illégaux pour arriver là où il est. Mais dans l’esprit, on en n’est pas si loin.

Les faits

Pour bien comprendre ce qu’il se passe, il faut déjà aplanir la situation. En septembre 2011, Igor Gonzalez de Galdeano annonce son départ de la structure de Miguel Madariaga. Après y avoir couru et avoir passé plusieurs années en tant que directeur sportif, il décide donc de partir, à la grande surprise de nombreux fans. Il évoque un besoin de changer d’air et surtout un nouveau projet. Mais à ce moment-là, à part lui et quelques proches sans doute, personne ne sait de quoi il s’agit. Cette annonce arrive dans une période délicate pour Euskaltel puisqu’ils ne sont pas sûrs de rester en World Tour. Certains sites écrivent même, sans vérifier les sources, évidemment, que 2012 sera la dernière année d’Euskaltel dans le peloton professionnel. Mais l’UCI décide tout de même de renouveler la licence World Tour de l’équipe. Une bonne partie des supporters est alors soulagée, nous pourrons toujours voir les Naranja à l’attaque sur les plus grandes courses du monde. L’année 2012 démarre, sans grand résultat pour les Basques, comme d’habitude en début de saison. Et quelques rumeurs commencent à circuler. Il se murmure en effet que IGG pourrait faire son retour dans l’équipe, mais avec de nouvelles idées concernant le futur de l’équipe. Il n’a pas fallu longtemps pour que le principal intéressé intervienne et dise officiellement qu’il sera à nouveau dans le staff d’Euskaltel en 2013. Cela pourrait sembler être une bonne nouvelle puisqu’il a fait beaucoup pour Euskaltel et ses qualités de directeur sportif ne sont plus à prouver. Mais seulement voilà, Igor Gonzalez de Galdeano revient avec un tout nouveau projet, très différent de l’actuel. Au fil des mois nous en apprenons de plus en plus jusqu’à savoir que la compagnie de téléphonie Euskaltel sera sponsor unique. Cela implique donc que la fondation Euskadi, celle de Madariaga, sera exclue. Eh oui, Madariaga ne gérera plus rien dans sa propre équipe. La fondation Euskadi ne s’occupera plus que d’une équipe amateur et d’un autre continentale. Premier gros coup dur pour tous les fans. En fait, jusque là, l’équipe appartenait à la Fondation Euskadi, entité à but non-lucratif, ce qui était unique dans le cyclisme. Désormais, c’est l’entreprise privée Euskaltel SA qui est propriétaire.

Aussi, on nous fait comprendre que la Basque Cycling Pro Team, parce que oui il faut changer de nom, recrutera désormais quelques coureurs étrangers. Pourquoi ? Officiellement, pour avoir les points UCI nécessaire pour pouvoir rester en World Tour. Cette version ne convainc pas tout le monde. Certains annoncent d’ores et déjà un changement radical de philosophie. Cette philosophie qui a fait la particularité et le succès d’Euskaltel-Euskadi. Les fans râlent un peu déjà, mais rien n’est officiel pour l’instant. Cependant, ça le deviendra rapidement. IGG et son staff annoncent dans un premier temps qu’il n’y aura que deux ou trois coureurs étrangers, le minimum pour rester en division 1. Une pétition se crée alors sur internet pour montrer à Galdeano que bon nombre de supporters sont en désaccord avec lui. Mais cette pétition a du mal à rassembler beaucoup de signatures. Une période de flou s’installe et personne ne sait trop de qui sera composée l’équipe basque en 2013. Une période qui prend fin il y a quelques semaines, avec l’annonce du non prolongement d’Amets Txurruka, presque la mascotte de l’équipe, et d’Ivan Velasco (en plus des départs de Pierre Cazaux et Alan Perez). Une fois de plus, la raison évoquée est le fait que ces deux coureurs ont zéro point UCI, et donc ne servent pas pour rester en World Tour. En économisant leur salaire, IGG pourra faire signer des coureurs ayant ces points nécessaires. Là, la pétition rencontre un très grand succès, puisque désormais tous les fans des Oranges désapprouvent les décisions de Galdeano. La dernière nouvelle n’arrange rien à la colère des fans, puisqu’en effet IGG annonce que finalement ce sera neuf coureurs et non trois. Nous connaissons désormais ces coureurs : Jure Kocjan, Robert Vrecer, Ricardo Mestre, André Schulze, Steffen Radochla, Alexander Serebryakov et Juan José Lobato, Iaonnis Tamouridis, et Tarik Chaoufi. Avec la conférence de presse de lundi dernier, Igor Gonzalez de Galdeano a bien confirmé le changement radical de philosophie de l’équipe, même si lui refuse de l’admettre.

Les conséquences

Les avis divergent concernant ces changements. Pour beaucoup, c’est le début de la fin pour Euskaltel-Euskadi. C’est la philosophie de l’équipe qui est bafouée, c’est cette particularité qui n’est plus. D’autres acceptent ce recrutement en se disant que si Euskaltel reste en World Tour grâce à cela, il faut le faire. Puisqu’une descente en Continental Pro pourrait signifier la vraie mort de l’équipe. En revanche, tous les supporters s’accordent sur un point : virer Txurruka est pris comme une provocation et le signe du changement de direction que prend Euskaltel. Txurruka incarne à lui seul toutes les valeurs de la fondation Euskadi, c’est-à-dire le courage, la combativité, l’esprit d’équipe, le sens du sacrifice et l’abnégation. Lui qui s’est fracturé trois fois la clavicule en un an et demi, lui l’équipier modèle, lui qui ne refuse jamais d’aider son leader, même lorsque celui-ci est sans doute moins fort que lui ce jour-là, lui le super combatif du Tour 2007, beh lui est viré. Seulement pour une histoire de points. Amets Txurruka a zéro point, mais combien en a-t-il fait gagner à Samuel Sanchez, à Igor Anton, à Mikel Nieve grâce à son travail ? Et nous pouvons dire pareil pour Ivan Velasco.
Mais toutes ces valeurs ne servent maintenant à rien chez Euskaltel. Il faut des points, peu importe l’attitude. Ce que redoutaient beaucoup de supporters est sans doute arrivé : Euskaltel devient une Sky, une HTC, une entreprise avec seulement des coureurs et non un groupe. Juste une somme d’individualités ramenant chacune ses points UCI. Mais les coureurs recrutés n’ont pas énormément de points non plus, Euskaltel prend alors le risque de se mettre à dos pleins de fans en changeant la ligne de conduite de l’équipe, mais en plus de ne pas rester en World Tour. Et si IGG se retrouve en Continental Pro mais avec des coureurs étrangers quand même ça va chauffer. Déjà Madariaga est sorti de son silence lorsqu’il a appris que Txurruka et Velasco ne seraient pas conservés. Le chef de la fondation Euskadi a clairement exprimé son désaccord avec cette décision, et avec la tournure que prennent les évènements. Mais lui ne peut plus rien y faire… Et certains supporters disent déjà qu’ils ne supporteront plus l’équipe Euskaltel, mais seulement des coureurs. Ils préféreront voir gagner un Txurruka chez Caja Rujal qu’un Kocjan chez Euskaltel. Et ça se comprend. IGG est en train de tuer une équipe unique, la plus vieille du peloton, une équipe respectée de tous et qui a de bons résultats. Car Euskaltel Euskadi ce n’est pas, ce n’était pas, juste un état d’esprit. Samuel Sanchez fait partie, pour moi, des trois meilleurs coureurs en activité concernant les Grands Tours, Igor Anton quand il le veut est l’un des deux meilleurs grimpeurs au monde, Mikel Nieve est déjà rentré à trois reprises dans le top 10 de Grands Tours, Ion Izagirre, Mikel Landa, Peio Bilbao et même Romain Sicard font partie d’une génération sur laquelle les connaisseurs fondent beaucoup d’espoirs. Parce que si Euskaltel-Euskadi est encore en World Tour ce n’est pas que pour récompenser son originalité, c’est parce que sur le plan sportif les coureurs font le boulot. Et leurs victoires sont souvent bien plus belles que beaucoup de victoires comme les « machines à gagner » du style Sky. Tout ça, c’est en train de s’effacer, sous la volonté d’un seul homme. Igor Gonzalez Galdeano a décidé d’enterrer ce fabuleux projet qu’a mené Miguel Madariaga. Tous les passionnés de cyclisme, pas seulement les fans d’Euskaltel, sont forcément touchés par cette nouvelle. Même si on sait tout ce qu’il a apporté à l’équipe par le passé, on peut dire qu’Igor Gonzalez de Galdeano devrait avoir honte de ce qu’il est en train de faire. Mais on ne doit pas s’en prendre qu’à lui. Car l’Union Cycliste Internationale est aussi responsable de cela. Le système de points pour l’attribution des licences World Tour est à revoir. Parce que là, il suffit de recruter un coureur qui détient pas mal de points et puis voilà… Le cas de Mehdi Sohrabi (Lotto Belisol) est un exemple criant. Ce coureur était le leader du circuit Asiatique (l’Asia Tour) en 2011, et a donc été recruté par l’équipe Belge pour ses points, qui lui permettait d’intégrer le World Tour dès sa première année. Seulement, on a appris que Sohrabi ne serait pas conservé pour 2013, car il n’a pas le niveau Européen. On peut donc dire que Lotto s’est juste servi de lui pour ses points… D’ailleurs qui a vu Mehdi Sohrabi à la télé cette saison ? Je ne crois pas qu’il ait beaucoup couru. Les points, c’est donc la raison que Galdeano évoque pour justifier sa nouvelle politique. Mais le système de l’UCI n’est pas clair, même si nous connaissons le critère des points et donc sportifs, beaucoup d’autres facteurs entrent en jeu et ceux-ci ne sont pas forcément très clairs. Et en ce moment, avec l’affaire Armstrong, on peut se poser des questions sur l’honnêteté de l’UCI… Revenons une dernière fois sur Euskaltel, un des risque qu’encourt Galdeano avec sa décision, c’est que beaucoup de coureurs quittent son équipe fin 2013. On sait par exemple que Samuel Sanchez a reçu plusieurs offres de très bonnes équipes, avec un contrat plus avantageux. Mais il est resté parce qu’Euskaltel Euskadi est son équipe, il s’y reconnait et s’y sent bien. Maintenant qu’il y a neuf étrangers, les Basques n’ont plus “d’équipe nationale”, et donc plus rien ne les retient de partir. Pour finir sur une note d’espoir, peut-être que c’est un passage obligé et que dans deux ou trois ans la philosophie d’Euskaltel Euskadi reviendra… Ou pas.

Crédit photos : Cyclingnews ; Sirotti ;  AFP ; Euskaltel Euskadi

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