Badminton Interviews Rio 2016

Philippe Limouzin (2/3) : « Le badminton étant télégénique, les portes commencent à s’ouvrir »

JEUX OLYMPIQUES. Badminton. Hier, Brice Leverdez menait dans le deuxième set, avant de s’effondrer face au numéro deux européen et champion continental en 2014. Si les deux représentants tricolores (Leverdez et Delphine Lansac) ont été sortis, le niveau du bad français ne cesse de croître. On fait un état des lieux dans notre deuxième partie d’interview avec Philippe Limouzin, DTN de la fédération française.

cultureSPORT JO Rio 2016 Delphine Lansac

« Dire que tous les élèves ont fait du bad… je ne suis pas loin de le croire. »
cultureSPORT : Le badminton est un sport universel, joué par énormément de jeunes, dans de nombreux établissements scolaires. Est-ce que cela s’en ressent sur le nombre de licenciés ?

Philippe Limouzin : Oui, aujourd’hui, de nombreux licenciés ont découvert le badminton en milieu scolaire. Nous sommes la première activité notée au bac en EPS (éducation physique et sportive). Ensuite, dire que tous les élèves ont fait du badminton… je ne suis pas loin de le croire. Demain, ces élèves voudront jouer dans nos clubs. Ils seront parents et mettront leurs enfants au bad car c’est un sport qui se partage entre générations et qui est, par excellence, mixte, rassembleur et facile d’accès. On n’exige pas un niveau d’excellence pour les enfants découvrant le badminton en secondaire, par contre un peu plus quand ils le découvrent en primaire. La fédération met en œuvre des programmes dès le plus jeune âge.

cultureSPORT JO Rio 2016 Brice Leverdez

cultureSPORT : Vous attendez-vous à une nouvelle hausse de licenciés notamment grâce aux performances de Brice Leverdez ou de Delphine Lansac lors de ces Jeux ?

Philippe Limouzin : Oui, depuis plus de vingt ans nous augmentons notre nombre de licenciés. Aujourd’hui nous sommes plus nombreux que le volley et même le tennis de table. Les limites viennent des gymnases qui font défaut. Cette contrainte levée, nous serions très vite 300 000 joueurs voire sûrement plus.

cultureSPORT : Pourquoi, en France, ne sommes-nous pas capables de sortir un joueur de classe mondiale à l’image de nos voisins espagnols avec Carolina Marin (numéro un mondiale, qui surclasse les joueuses asiatiques, de loin les meilleures badistes de la planète) ?

Philippe Limouzin : Carolina est une exception (regardons les résultats mondiaux et la faiblesse de la représentation européenne) mais il y a plein de raisons à cela. Des raisons d’interrogations sur l’après badminton par de nombreux de nos joueurs de haut niveau, la culture du badminton de haut niveau et de ses exigences profondément ancrées en Asie et loin de l’être en France, le manque d’installations disponibles pour l’entraînement à la pratique compétitive, le manque de cadres formés présents dans les clubs…

« L’excellence en sport se construit, elle ne se décrète pas. »
cultureSPORT : La formation commence-t-elle à porter ses fruits ? On pense notamment à Lucas Claerbout, présent aux Jeux Olympiques de la jeunesse en 2010, qui était à deux points de sortir le futur champion continental lors des 16es de finale de l’Euro 2016.

Philippe Limouzin : Oui, mais la maturité olympique est tardive. Les résultats arrivent. La densité des joueurs en top 100 le prouve. Le chemin est long pour obtenir le Graal du haut niveau. Le hand a mis vingt ans pour obtenir les résultats de Barcelone. Nous, nous commençons la structuration du haut niveau. Nous allons vite mais il faudra du temps, mener une détection initiale, de la compétence d’encadrement et de suivi, des installations et garder nos ambitions. L’excellence en sport se construit, elle ne se décrète pas.

cultureSPORT JO Rio 2016 Hongyan Pi

cultureSPORT : Comme au ping-pong, est-ce que la naturalisation (Sashina Vignes Waran, Hongyan Pi) est devenue inévitable afin de constituer un groupe compétitif ?

Philippe Limouzin : Sashina est en France depuis plus de quinze ans. Ce n’est pas une naturalisation. Hongyan nous a beaucoup et continue à nous apporter. Mais sinon, il n’y a pas de logique de naturalisation. S’il y en avait une, elle ne correspondrait qu’à la venue de joueurs en France sans négociation préalable sur le haut niveau ni sur le bad de façon générale. Non, nous ne sommes pas dans cette logique, par contre nous sommes dans la logique d’offrir à tous les licenciés une pratique qui correspond à leur attente. « Les badminton » étrangers sont une source d’interrogations et d’inspiration mais on ne peut les copier.

« Nous passons à deux points d’une médaille… Rageant mais encourageant. »
cultureSPORT : Que pensez-vous de la médiatisation de votre sport ? L’Équipe 21 a notamment diffusé les derniers championnats d’Europe ainsi que les Internationaux de France. Est-ce suffisant, espérez-vous mieux ?

Philippe Limouzin : Pas facile, mais le badminton étant télégénique, les portes commencent à s’ouvrir et nos résultats favorisent également cette dimension communicationnelle.

European Championships 2016

cultureSPORT : Comment se sont déroulés les championnats d’Europe à Mouilleron-le-Captif ? La compétition a-t-elle été conforme à vos attentes au niveau de l’organisation, de la fréquentation ou des répercussions ?

Philippe Limouzin : Les répercussions sont positives. Ministres, institutions de tous ordres étaient là, 20 000 spectateurs comblés, des finales de très haut niveau, une organisation remarquable. N’ont manqué que les médailles françaises. Pourtant les résultats des premiers tours nous prouvent que notre niveau est proche. Nous passons à deux points d’une médaille… Rageant mais encourageant.

A lire aussi

Partie 1/3 : « L’avenir se construit, l’ambition de médaillables est une réalité »

Partie 3/3 : « Un seul but : recherche de l’excellence et de ses valeurs d’exigence »

Propos recueillis par Nicolas Gréno (@nicolasgrenon.greno@culturesport.net) avec la complicité de Thomas Dupleix
Crédits photos : Badminton photo via la page Facebook de la Fédération Française de badminton et le site officiel des championnats d’Europe 2016