Athlétisme Interviews

Pierre Carraz (3/3) : « Il ne dévie pas, ce n’est pas un imbécile. Il est sain. C’est le principal. »

ATHLÉTISME. Troisième et dernière partie de notre entretien avec Pierre Carraz. Le coach de Christophe Lemaitre revient aujourd’hui sur les méthodes d’entraînement qu’il met en place avec son poulain.
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L’élève et le maître en 2009. Crédit : page Facebook officielle de Christophe Lemaitre.

Partie 2 : « Un jour ou l’autre, je m’écarterai progressivement pour entraîner des gamins »

cultureSPORT : Christophe Lemaitre s’entraîne en collectif ?

Pierre Carraz : Absolument. Et ça s’est révélé pertinent parce qu’il a été trois fois champion d’Europe, il a fait troisième à Daegu au Championnat du monde au 200 m. Après ça s’est arrêté, ce qui est normal, parce qu’à un certain moment la progression stagne. Un mois avant les Jeux Olympiques de 2012, il est excessivement fort. Il fait moins de 20’’00 au 200 m, sous la pluie, dans le froid et avec un vent de face. Là il est exceptionnel. Et puis bon il a eu un problème, sa copine est allée travailler, il était seul, il mangeait des cochonneries. Au moment de partir j’ai fait un test, je le voyais fatigué. Je l’ai pesé, il avait perdu 4 kg. Il est arrivé à Londres, il était lessivé. Aux JO autrement, à mon avis, il avait un podium.

cultureSPORT : Donc des entraînements en groupe, mais individualisés ?

Pierre Carraz : Bien sûr. Il faut le groupe, ça met l’ambiance, les gars discutent, ils rigolent. Après ils vont courir ensemble. Un groupe c’est important, je pense.

cultureSPORT : Comment reconnaît-on un bon entraîneur ?

Pierre Carraz : C’est celui qui arrive à faire progresser. Il faut une certaine connaissance. Il y a beaucoup d’entraîneurs qui sont professeurs de sport, et qui ont donc fait de l’anatomie, de la physiologie etc. Bon, après, il y a le coup d’œil. Moi, c’est la vieille méthode. C’est-à-dire que je n’ai pas de caméra, rien du tout. J’ai mes yeux. Alors ça suffit ou pas, ça dépend. Je récupère des courses filmées par des gens qui travaillent avec moi. Dans le 100 m par exemple, elles permettent de compter le nombre de pas, le nombre de foulées, le rythme, la longueur de la foulée.

cultureSPORT : Qu’est-ce qui est le plus important sur 200 m ? Le départ ? L’accélération ? La ligne d’arrivée ?

Pierre Carraz : Sur le 200 m, le départ est moins important. D’ailleurs le temps de réaction des athlètes est plus long. Sur un 100 m on réagit entre 120 et 160 millièmes de seconde, et sur un 200 m, il n’est pas rare de réagir à 200 millièmes. Donc dans la tête des athlètes, c’est moins important. Par contre après c’est l’accélération, c’est l’attitude dans le virage, puis relancer la mécanique.

“Avoir un garçon comme Lemaitre. Ça arrive une fois dans la vie d’une personne !”

cultureSPORT : Sur quoi doit-il travailler maintenant ?

Pierre Carraz : Sur tout. Dans le virage il est moche comme tout, il se bat pour ne pas sortir. C’est sa difficulté. Mais il a progressé, il est plus solide. Il faudra aussi retrouver un peu de fraîcheur, c’est pour ça qu’on a réduit la fréquence d’entraînements. C’était six jours par semaine, matin et soir. L’année dernière on a diminué à cinq. Il va enchaîner les compétitions indoors, et on reprendra l’entraînement correctement début mars, deux ou trois mois, mars-avril-mai, pour être bien au mois d’août pour les championnats du Monde.

cultureSPORT : C’est vous qui gérez les sponsors ?

Pierre Carraz : Oui. Mais maintenant il a son équipementier, Asics. Et ça je ne m’en occupe pas. Je ne sais pas ce qu’il gagne, je ne veux pas savoir. J’estime que ça ne me regarde pas. Moi j’ai fait mon boulot quand il était jeune, d’éducation je dirais. Puis maintenant il est grand, il est sur la même ligne. Il ne dévie pas, ce n’est pas un imbécile. Il est sain. C’est le principal.

cultureSPORT : Quelle est la dernière chose que vous ayez accomplie, que vous ne pensiez pas possible ?

Pierre Carraz : Avoir un garçon comme Lemaitre. Ça arrive une fois dans la vie d’une personne !

Partie 1 : « La médaille, c’est tellement aléatoire… »

Propos recueillis par Maëva Gros (@_MaevaGros_) à Aix-les-Bains (Savoie) le 27 décembre 2016.

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